La nuit de tous les suspenses !

Soumis par Jacques Kergomard le jeu 06/02/2025 - 14:00
Lieu(x) : Bhilwara, Raïla
Sujet(s) : Transport

Je voulais voir si les conditions de voyage de la population avaient changé en 50 ans : la réponse est non, mille fois non.

D’abord, les wagons sont les mêmes : pas de vitres, seulement des barreaux horizontaux et un volet pour se protéger du soleil ou du froid. Ces wagons de « unreserved class» sont toujours en queue des longs trains, ce qui explique qu’ils m’aient échappé.

À l’arrivée du train, les passagers oublient leurs habitudes de files bien ordonnées : ils se précipitent pour monter, car les places sont plus que rares, empêchant ainsi les autres de descendre. Les volumineux bagages – un ou deux dans une main et le plus gros sur la tête – ne facilitent pas la tâche. C’est une bonne invention le sac à dos !

Au démarrage du train, certains sont encore en grappes à l’extérieur sur le marchepied aggripés aux barres le long des portières. À l’intérieur, des gens partout : certains assis dans les porte-bagages, les autres debout dans les couloirs, jusqu’aux soufflets entre les wagons et les toilettes. Les portes restent ouvertes pendant le trajet, permettant ainsi d’ajouter une ou deux places assises supplémentaires, par terre avec les pieds à l’extérieur posés sur les marchepieds.

Le contrôleur tente de mettre de l’ordre, n’hésitant pas à donner quelques coups aux récalcitrants, mais cela empire la situation plus qu’autre chose. Malgré cette cohue, les vendeurs ambulants parviennent à se faufiler, leurs marchandises en équilibre sur la tête.

J’ai réussi à me caser debout, le plus près possible de la porte, pour être sûr d’avoir le temps de descendre. Expérience inconfortable et fatigante, mais heureusement, le trajet ne durait qu’une demi-heure.

J’avais prévenu bien avant de partir le contact que m’avait donné mon hôte, mais je n’avais reçu aucune réponse et personne ne m’attendait à l’arrivée. Finalement, les choses se sont arrangées et quelqu’un est venu me chercher pour m’amener à la ferme qui, comme à Govindpura, se situe à l’extérieur du village.

À part mon hôte avec qui j’ai pu parler au téléphone, je n’ai trouvé personne qui parle mieux l’anglais que moi l’hindi ou le rajasthani.

À l’entrée de la ferme, il y a un long bâtiment avec de petites pièces indépendantes ouvertes sur une sorte de véranda. Si j’ai bien compris, c’est là que vivent trois couples. Deux d'entre eux ont des enfants. J’en ai vu deux d’environ 18 mois et deux de 4 ou 5 ans qui revenaient seuls de l’école, à pied, avec leurs cartables sur le dos. La femme de Ramlal, le troisième couple (18 et 19 ans) , est enceinte.

Ramlal m’a fait faire le tour des terres. J’ai seulement reconnu des citronniers, des plants de tomates, de la moutarde et des céréales, du blé ou de l’orge.

On m’a servi un biryani aux légumes et je me suis installé devant la maison, mon ordinateur sur les genoux, en écrivant le début de cet article, devant un thé au lait et aux épices en remplacement de ma bière quotidienne.

18h ! Voilà cinq heures que j’attends et je viens d’apprendre que je dois encore patienter jusqu’à 21h. J’espère avoir mal compris !

Avec Ramlal qui me suit de près, nous avons testé toutes les applications de traduction du téléphone, mais il est trop ancien pour accepter la reconnaissance vocale, et mon interlocuteur ne sait pas lire. J'écris ce que je crois comprendre et lui fait écouter la traduction en hindi.  Ça occupe mais on est pas prêt de parler philosophie.

Nous nous sommes chanté des chansons : lui en rajasthani, moi en français… le pauvre ! Aucune chanson ne me venait à l’esprit, sauf Le petit cheval blanc de Brassens, allo Sigmund !

Nous avons aussi écouté, haut-parleur à fond, une ou deux chansons françaises avant de passer aux chants rajasthani.

Je lis  "un atlas de l'impossible" de Arunadha Roy, j'écris, je consulte les nouvelles et  je laisse le temps passer sans rien faire… Quand je vous dis que j’avais retrouvé une patience très orientale !

Un message à 19h45 me confirmant que quelqu'un passerait me prendre à 9h du soir !

Je viens de me ridiculiser pour le repas du soir servi par terre sur une natte devant le foyer de cuisine. Ils n'arrivaient pas à comprendre pourquoi je n'étais pas capable de m'asseoir en tailleur ni m'accroupir sur mes talons pour manger. Je ne sais pas comment on dit arthrose en hindi ! Promis, je me mets au yoga en rentrant. Ramlal m'a reproché de dire merci, j'ai cru comprendre que seuls les dieux le méritaient ! C'est vrai qu'ils ne disent jamais ni s'il vous plaît, ni merci.

A 22 heures, nouveau message m'indiquant qu'il arrivait dans 20 minutes.

A 23 heures, deux hommes arrivent. Ils ne parlent pas anglais et je comprends que, finalement, il faut que je dorme à la ferme. J'envoie un message à mon correspondant qui me confirme qu'effectivement je dois dormir ici et que "those who speak english come tomorrow".

Même pas peur !

Bonne nuit,

जय हिंद (Jay Hind)

 

commentaires

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à 13h, toujours vivant! Patience avant le dernier des coups de théâtre de la journée vers 21h (heure purement théorique)

commentaire
Sinon, tu avais aussi "l'été indien", ou bien "ce soir, j'attends Madeleine ...". En tous cas, dis-leur bien, en indi, que Dry january, c'est fini !