On est pas là pour se faire engueuler

on est là pour pelleter du fumier.
Ce matin, Sukha était de mauvaise humeur. Il engueulait tout le monde sur le même ton : son jeune employé, la femme de ménage et même Sandra, sa compagne: personne ne respectait ce qu’il demandait, les choses étaient à moitié faites, bref, tous des incapables. J’y ai échappé un bon moment, mais quand est venu mon tour, j’ai rendu mon tablier. Je ne suis pas venu pour faire le domestique de l’hôtel, mais pour pratiquer l’agriculture bio. De plus, j’ai passé l’âge de me faire engueuler comme un larbin. Je lui ai dit que je partais dans l’après-midi et que je tenais à payer ma chambre en plus des deux bières consommées. On s’est expliqué, il a essayé de me retenir, mais je crois qu’il était soulagé. Sandra m’a remercié d’avoir ouvert ma gueule et espère que ça l’aidera à comprendre que ce n’est pas comme ça qu’il pourra redresser son hôtel. On a partagé le repas du midi dans une ambiance apaisée.
J’ai réservé une chambre d’hôtel à Ajmer et pris le bus en début d’après-midi. Avec un jeune avec qui j’ai pu converser en anglais, on a laissé passer au moins trois bus avant d’en trouver un pas trop bondé. Dans les bus, il y a un espace fermé avec trois ou quatre places assises à côté du chauffeur, séparé du reste du bus par une vitre et dans lequel on entre par une espèce de sas. J’ai eu l’honneur d’y être placé, ce qui m’a permis de bien voir le paysage. Tout le monde faisait des vidéos, j'ai donc sorti mon téléphone sans complexe mais impossible de les téléverser ce soir, la connexion internet est vraiment merdique. Demain ?
J’ai hésité longtemps à prendre un bus gouvernemental pour rejoindre Anju et les siens demain à Jodhpur, mais la perspective de cinq heures de bus sans certitude de pouvoir vider ma vessie en cas de besoin m’a fait renoncer. Sandra m’a appris que dans les grandes gares, il y a un bureau de tourisme où l’on peut faire des réservations. Par chance, il y a ce service à Ajmer. J’y suis donc allé et ai pris une leçon de bureaucratie. On passe d’abord par un premier bureau où, après avoir vérifié qu’il y a des places disponibles, deux fonctionnaires en uniforme vous font remplir un formulaire avec les détails de votre trajet et toute votre identité. Avec ce formulaire, on va à un guichet de l’autre côté de la gare où une employée saisit une partie du formulaire sur ordinateur ; le formulaire papier sera archivé. Vu mon écriture, il a fallu que je redicte quasiment tout en épelant chaque mot, ce qui a énervé la queue derrière moi. Pas besoin d’être conseiller chez McKinsey pour comprendre qu’avec un billet à 180 roupies (environ 2 euros) pour 400 km, le monde moderne ne peut plus accepter ça, même avec des salaires indiens. Elon Musk et Javier Milei vont s’en occuper.
Je suis ensuite allé me promener au lac d’Ajmer. Les rues très animées de la ville sont à quelques dizaines de mètres, mais sur les promenades, c’est calme et bucolique. On se croirait au bord du lac d’Annecy, sans la neige sur les sommets… Une autre riviera.
Pour la suite, j’ai demandé à Radhakrishnan quand je pouvais revenir au plus tôt à Raïla. Si c’est possible, j’irai tout de suite après Jodhpur ; sinon, je vais chercher un lieu de wwoofing en remplacement de Pushkar.
En attendant de redevenir wwoofeur, je ne pense pas que j’aurai grand-chose d’intéressant à dire. Je vais donc mettre la pédale douce sur ce blog, même si je continuerai à faire un petit article quotidien pour les angoissés de service. J'en profiterai pour terminer les quelques dossiers que j'ai entamé sous forme de brèves.  
En tout cas, ce blog, le fait de pouvoir partager et de savoir entendu sont importants pour moi. Sans lui, j'aurai peut-être déjà pris mon billet de retour. Merci.
जय हिंद (Jay Hind)