Pendant la construction du canal, inauguré en 1927, l'État de Bikaner a mis en place des incitations pour attirer des agriculteurs des régions voisines afin d'exploiter les terres désertiques devenues cultivables grâce à l'eau du canal. La plupart des immigrés sont venus du Punjab voisin. La famille Saï a quitté, en 1924, la région de Rawalpindi, troisième ville de langue pendjabie, située au nord-ouest du Pakistan. Il aura donc fallu quatre générations pour transformer le désert en une région à l’agriculture florissante.
La distribution de l'eau repose sur trois niveaux de canaux. À partir du canal principal partent perpendiculairement des canaux secondaires. Je n’ai pas trouvé d’informations précises sur l’espacement entre ces canaux, mais je l’estime à une dizaine de kilomètres. De ces canaux secondaires partent également, perpendiculairement, des canaux tertiaires, avec un espacement d’environ quatre kilomètres. C’est sur ce dernier niveau de canaux que les paysans se branchent pour irriguer leurs terres.
Le canal principal est sous la responsabilité de l'État central, tandis que les canaux secondaires et tertiaires relèvent de l'État du Rajasthan et du district de Bikaner. Les fermiers, quant à eux, gèrent les canaux situés sur leurs terres.
Probablement dans un souci de répartition équitable de l’eau disponible, les canaux secondaires ne sont pas toujours alimentés en eau. Lors de mon séjour, celui qui nous concernait n’était rempli qu’environ un jour sur deux.
Chaque agriculteur se voit attribuer une tranche horaire hebdomadaire pour l’irrigation, en fonction de la surface cultivable : 1/4 d’heure par acre (4 000 m²). Ainsi, Vinod a droit à un peu plus de sept heures d’irrigation pour ses 31 acres de terrain, le mardi à partir de 11 h 30. Les agriculteurs s’organisent entre eux pour gérer l’ouverture de leur canal. Le jour de notre tour, nous étions avec Ajay, prêts dix minutes en avance, et le branchement s’est fait à la seconde près après un cri d’avertissement.
Si j’ai bien compris, le prix de l’eau est d’environ 500 roupies (5,5 €) par acre et par an. Vinod paie environ 15 000 roupies, soit à peine plus de 160 €. Il est difficile de comparer avec le coût de l’eau des jardins à Cessenon, où l’unité de mesure est le mètre cube (0,14 €), mais cela semble très raisonnable. D’autant plus que la consommation d’eau est probablement bien plus élevée qu’en France, car l’irrigation se fait principalement par inondation. Seuls les kinnows sont arrosés au goutte-à-goutte, à raison de 50 litres par pied et par jour en temps normal, et jusqu’à 100 litres entre avril et la mi-juillet, avant le début de la mousson.
Généralement, les agriculteurs creusent deux réservoirs sur leur terrain : l’un est rempli avec l’eau du canal et le second, en appoint, par un forage dans la nappe phréatique, une sorte de megabassine individuelle. L’utilisation excessive de l’eau souterraine commence toutefois à poser des problèmes de salinisation des sols.
En un siècle, depuis l’arrivée de l’eau, le paysage de la région a été complètement transformé. La savane de type subsaharien s’est muée en une riche plaine agricole où le vert des plantations est omniprésent. Et cette transformation s’est faite grâce à la force humaine et animale. Selon Vinod, les premiers tracteurs ne sont apparus qu’au début des années 1990.
Alors que les agriculteurs commencent enfin à récolter les fruits de leur travail, l’avenir s’assombrit. Le GIEC indique que « les glaciers de l’Himalaya fondent à un rythme accéléré, avec une perte de masse de 0,3 à 1,0 mètre d’équivalent en eau par an. D’ici 2100, environ 36 % à 64 % des glaciers pourraient disparaître selon le scénario d’émissions (RCP4.5 ou RCP8.5 du GIEC). » Cela devrait entraîner, jusqu’en 2050, une augmentation temporaire du débit, avant une baisse drastique, menaçant ainsi l’approvisionnement en eau.
Le répit aura été de courte durée si l’on se rappelle que les dernières famines au Rajasthan datent de la fin des années 1960. Il va déjà falloir se réinventer !
Le monde est injuste…
- Voir une crise de l’eau sans précédent menace 600 millions de personnes en Inde
- Informations données par ChatGPT. Voir aussi l’himalaya et le changement climatique et le changement climatique et la géopolitique de l’Asie
- Voir récit the opposite of plenty sfd