J’ai profité de la grasse matinée de Radhe pour m’offrir une petite balade jusqu’au chantier du puits. En route, j’ai aperçu Ramlal et sa femme en train de moissonner. Ramlal est l’un des employés de la ferme avec lequel j’avais passé beaucoup de temps lors de mon premier passage. Comme Radhe ne veut pas le payer au mois ou à la journée, car il craint qu’il ne fasse que le minimum, il travaille à la tâche : actuellement, il l'a chargé de moissonner, à la faucille et sur ses talons, une parcelle d’un bigha[1] (environ 0,8 hectare) pour la somme forfaitaire de 4500 roupies (environ 50€). Cela devrait lui prendre au moins une semaine.
Je m’avançais dans le champ pour le saluer, mais on m’a rappelé à l’ordre : marcher dans les chaumes peut blesser les pieds ! J'ai rebroussé chemin mais ai du négocier pour ne pas finir le trajet en moto, mais à pied. C’est fatigant de n’avoir aucune autonomie et d’être traité comme un être immature. Dans toutes les fermes, j’aurais aimé pouvoir me promener seul à pied, mais cela est inconcevable ici. Je prendrai ma revanche à Jaïpur.
Au puits, le travail suit son cours. La mini-pelleteuse s’active au fond du puits et les bennes de boue et de pierre sont remontées à un rythme soutenu. Radhé m'a indiqué que le devis pour le creusement du puits et son maçonnage était de 13 000€
Le responsable des engins de chantier voulait que je vienne avec lui en mobylette à sa ferme, située à une trentaine de kilomètres. Finalement, il a appelé son patron, qui, lui, parle anglais. Il voulait que je vienne en tant que spécialiste de l’agriculture biologique (personne ne rigole !). Je lui ai dit de voir avec Radhe, le vrai spécialiste, et il a décidé d'y aller.
En fait, il ne s’agit pas d’une ferme, mais d’un vaste terrain de 125 hectares que le « landlord » – comme l'appelle Radhe – a racheté aux paysans, avec, en plus, du travail salarié. Le projet n’est pas l’agriculture, mais un grand parc de loisirs comprenant des plans d’eau « comme à Venise », des bateaux, des jet-skis, un restaurant et des sentiers de promenade au milieu des arbres. Je ne sais pas si il peut y avoir un public pour ce genre d'endroit à quatre heures de route de Delhi et huit de Delhi. Mais l’homme est un riche industriel et il fait cela par « passion ».
Pour l’instant, le terrain est entièrement clôturé, les haies sont déjà en place et des arbres de différentes variétés sont plantés. Mais il reste encore beaucoup de travail pour mettre en place les plans d’eau ou finir de végétaliser. Après avoir fait le tour de la propriété, nous sommes allés visiter ses deux ateliers de réparation et de fabrication d’engins pour la mine. Nous étions, en effet, à Rampura Agucha[2], la deuxième plus grande mine de zinc du monde. La mine était à ciel ouvert mais, depuis quelques années, elle est souterraine à près d'un kilomètre de profondeur.
En fin d'après-midi, nous sommes retournés au même village qu'hier soir. En fait, c'est aussi le village de la ferme familiale Radhe. Il possède trois terrains de deux à quatre acres, qui sont en fermage. Il voulait me montrer à quoi ressemblait une exploitation traditionnelle : un puits et une partie cultivée en blé, l'autre en lentilles, une culture importante ici. Nous avons fait une visite rapide de sa maison, qui sentait bon la bouse de vache. Sa maison a été construite il y a 20 ans, et c'est la première du village construite en ciment et avec un toit en terrasse.
Radhe est sorti avec un copain. Nous allons partager la chambre, tous les trois, cette nuit. Demain, il m'emmène prendre le bus pour Bhilwara.
Je n'ai pas de nouvelles de la ferme de Gurgaon. Il va falloir que je trouve de quoi m'occuper entre Jaïpur et Delhi.
- Voir article Wikipedia sur l’unité de mesure Bigha
- Voir article Wikipedia sur Rampura Agucha.
Jaykesh au parc d'attractions-1
