Hier, les "camel men" sont venus me chercher en début d'après-midi pour passer la nuit dans le désert. Nous sommes passés remplir la jeep avec deux jeunes couples : des Indiens de Bangalore et des Néerlandais qui font le tour du monde pendant une année sabbatique.
Le camp est situé à 50 km au sud-ouest de Jaisalmer. Il s'agit d'un ensemble de chambres en forme de huttes entourant une cour carrée avec un foyer central. Je m'imaginais un bivouac dans le désert, avec la bosse du chameau servant d'oreiller aux énergies positives. Mais en réalité, nous avons dormi, au choix, soit dans les huttes, soit dans une tente à côté du bâtiment.
Mes cuisses n'ont pas vraiment apprécié la balade à dos de chameau. Je ne sais pas comment sont fichues ces bestioles, mais elles marchent en se déhanchant complètement, vous projetant d'un côté à l'autre et d'avant en arrière. C'est plus régulier au trot, mais aussi plus tape-cul. Je rêvais que ça s'arrête, mais le gamin qui guidait le chameau tenait absolument à être en tête et à faire le trajet le plus long possible. La promenade s'est déroulée dans un paysage plutôt sahélien : la terre est nue et sableuse, et l'on chemine au milieu d'arbustes et de grands arbres. À plusieurs reprises, des antilopes ont surgi devant nous, c'était joli à voir.
Le but du voyage était une dune de sable où nous avons attendu le coucher du soleil. Au retour, nous avons assisté à un concert de musique et à des danses rajasthani, assis sur des charpaïs autour du feu, avant un repas en commun.
L'un de mes voisins pour la soirée était un jeune Ukrainien établi à Londres depuis cinq ans. Il se trouvait en Ukraine avant le déclenchement de la guerre mais, par pur hasard, il est rentré à Londres deux jours avant l'invasion. Il ne pense pas retourner chez lui un jour : il est originaire du Donbass, sa maison a été détruite par un drone et il pense que sa région restera sous domination russe, quoi qu'il arrive. Il ne veut pas retourner se battre et, pour l'instant, il fait le tour du monde jusqu'à épuisement de ses fonds, mais tout est déjà programmé jusqu'à la fin de l'année.
Alors qu'à l'aller, assis à l'arrière de la jeep, je n'avais rien vu, j'étais à l'avant au retour et j'ai pu profiter du paysage. On voit beaucoup de bétail – vaches, chèvres et moutons – au bord des routes, mais aussi au milieu des arbres et des arbustes. J'ai vu mes premières éoliennes, mais étonnamment, pas de panneaux photovoltaïques. De temps à autre, des châteaux d'eau permettent d'irriguer quelques champs, tâches vertes inattendues au milieu de ce paysage désertique. Régulièrement, on aperçoit des espaces parsemés de tas de la fameuse pierre de Jaisalmer. Elles doivent être ramassées dans la campagne avant d'être amenées en ville pour être taillées par des ouvriers travaillant à même le sol, sur les trottoirs.
Nous sommes rentrés ce matin. Je suis retourné manger à la citadelle. J'ai une nouvelle méthode pour me promener : je demande à Google Maps où se trouve le cinéma le plus proche et j'y vais prendre une photo pour le livre d'Anju. Cela me permet de découvrir des endroits inattendus.
Cet après-midi, je suis allé à Bada Bagh, le lieu des sépultures des rois rajpouts, à l'extérieur de la ville. L'intérêt principal de cette balade a été le retour en rickshaw, assis à côté du chauffeur. Jaisalmer est quasiment une colonie italienne : beaucoup de restaurants proposent des pizzas, voire de la cuisine italienne, et la moitié des rickshaws sont des Piaggio. J'ai identifié le premier au bruit de son moteur ! Je dois reconnaître que cela fait plus archaïque que les modèles des marques indiennes.
C'est devenu une habitude : j'écris cet article sur la terrasse de toit de mon hôtel, devant une petite (650 ml) bière rajasthani.
Je viens d'avoir une petite conversation sur Signal avec ma sœur Denise ; cela n'aurait pas été possible il y a 50 ans !
Demain, journée de transfert pour deux nuits à Jodhpur.
Energies renouvelables au Rajasthan
Aujourd’hui, j'ai vu mes premières éoliennes. Il faut dire que je suis au milieu du Jaisalmer Wind Park [1], un des plus grands parcs éoliens du pays. Développé par la société indienne Suzlon Energy, ce parc a atteint une capacité installée de 1 064 MW en 2012, en regroupant diverses éoliennes de puissances variées, allant de 350 kW à 2,1 MW. Pour comparer avec la France, cette production est 12 % moindre que celle de la Normandie, pourtant bien plus petite en surface. Autre comparaison, le Rajasthan produit 6,8 MWh par km², près de 15 fois moins que la France (91,7 MWh par km²).
On retrouve pourtant ici les mêmes critiques face à l’éolien qu’en France : « réduction de la superficie des pâturages consacrés à l’élevage des chameaux, des bovins et des chèvres […], entraînant une chute de la production de lait » ; atteinte à la biodiversité, par exemple les outardes indiennes : « Pour Parth Jagani, militant écologiste à Jaisalmer, leur nombre a chuté depuis 25 ans et il n’en reste plus que 150 au niveau national » [2].
Par contre, mis à part un usage local, comme à Prithvi Puttar Organic Fruit Farm, je ne vois que très peu de panneaux photovoltaïques alors que le Rajasthan est le plus gros producteur d’énergie solaire de l’Inde. Par exemple, le parc solaire de Bhadla [3], situé dans le désert du Rajasthan, est considéré comme le plus grand au monde, avec une capacité totale de 2,25 GW [4]. Pour comparer avec un pays européen, le Rajasthan a une capacité solaire d'environ 0,0668 MW/km², tandis que celle de l'Espagne est d'environ 0,0505 MW/km².
L’Inde mise aussi de grands espoirs sur l’énergie nucléaire. En 2021-2022, les centrales nucléaires indiennes ont généré 47 063 GWh, ce qui correspond à environ 2,7 % de la production totale d'électricité [5]. Notre lobby nucléaire et notre président ont bien travaillé : un projet de construction de six EPR est en voie de finalisation dans le Maharashtra [6].
- Voir article Wikipedia sur le Jaisalmer Wind Park.
- Voir article GoodPlanet : « Inde : les éoliennes du désert de Thar bouleversent un mode de vie ancestral ».
- Voir article La centrale solaire de Bhadla, symbole du changement de visage de l'État désertique du Rajasthan.
- Voir article Wikipedia : Bhadla Solar Park.
- Voir article Wikipedia : Electricity sector in India.
- Voir article Wikipedia : Jaitapur Nuclear Project.
commentaires
Merci pour le partage
Je sais que tu ne voulais pas necessairement en faire un reportage photo, mais elles sont particulièrement belles (surtout celles du désert)... et je pense qu'une carrière de youtubeur s'ouvre à toi (tu n'en es plus à une reconversion près) ! Bon voyage à toi et merci encore pour le partage.