Allez, un petit dernier pour la route !

Soumis par Jacques Kergomard le ven 07/03/2025 - 13:48
Sujet(s) : Bilan

L’écriture de mon article quotidien m’a sainement occupé l’esprit et les doigts pendant 59 jours. Quand on est seul, le plus difficile est de ne pas pouvoir partager les bons et les mauvais moments. Quand on est au pays, il y a les proches et les amis ; pendant mon voyage, il y avait ce blog. Ça ne vaut pas une bonne discussion devant une bouteille de Saint-Chinian, mais ça fait du bien de savoir qu’on est lu par ses interlocuteurs habituels, à l’inverse d’un journal intime où l’on se parle à soi-même. 

Pendant le voyage, le blog change le regard et la perception du pays. On vit les événements en réfléchissant déjà à leur écriture et on prend une photo en fonction de ce que l’on veut montrer. L’écriture en fin de journée permet de trier les informations qui méritent d’être partagées, de les vérifier, de les documenter et de les compléter. Parfois, dans les mauvais moments, vider son sac, quel qu’en soit le contenu, permet de remonter la pente. 

Mais ce qui a révolutionné les voyages, c’est Internet et l’ordiphone[1]. En Inde, j’ai toujours eu du réseau et rarement de mauvaise qualité. Presque tout le monde a un téléphone portable, même les conducteurs de vélo-rickshaw ou les ouvriers agricoles. Ajay, l’employé de la ferme de Govindpura, m’appelle de temps en temps en vidéo quand il a un invité de marque. Comme il ne parle pas anglais et moi pas l’hindi, on se fait juste un petit bonjour avant de raccrocher. Les lieux touristiques ne servent que d’arrière-plan pour des selfies ou des portraits de sæ chéri.e, de sa famille, de ses ami.es ou de l’étranger moustachu. Il y a cinquante ans, les transports en commun étaient l’occasion de rencontres, aujourd’hui, tout le monde est scotché devant son écran et on ne se parle plus.

En 1977, j’ai accompagné une dizaine de personnes en Inde et en Égypte l’année suivante. C’étaient des voyages autogérés : rien n’était préparé à l’avance hormis le billet d’avion, une nuit d’hébergement à l’arrivée et celle du retour. On décidait collectivement du programme, et c’était à moi de me débrouiller pour assurer les transports, l’hébergement, les repas et les autres frais de voyage avec l’argent qu’on me donnait le jour du départ et que je gardais dans une ceinture. Je ne sais pas comment j’ai réussi à gérer ça à l’époque, mais ce serait relativement facile aujourd’hui à condition d’avoir un ordiphone, de préférence avec un numéro indien, souvent obligatoire par exemple pour commander en ligne une place de bus.

Pour comparer les communications de ces deux époques, je vous invite à regarder cet extrait du film Marius de Pagnol[2], où César reçoit la première lettre de son fils trois mois après son départ. J’ai souvent envie de dire à Milou de ne pas trop se pencher quand il fait l’océanographe. 

Je ne sais pas ce que va devenir ce blog, je le fermerai probablement dans quelques temps mais avant j’aimerai finaliser les quelques compléments que j’ai commencés. Si je le fais, je vous tiendrai informé. 

J’ai eu le nez fin quand j’ai eu l’idée de ce voyage et de sa formule : retourner dans un pays familier pour en voir les évolutions. J’adorerais avoir un alter ego qui fasse la même chose dans un autre pays, par exemple un ancien mao qui retournerait en Chine aujourd’hui. Je vais proposer l’idée à une chaîne de télévision, ça aurait plus d’intérêt que l’émission Échappées belles de la Cinq, j'espère avoir été moins narcissique que ses présentateurs.

Pour cette dernière, je remplace le Jay Hind par le Vive la France de François le dompteur de "Le Flea Circus" de Tex Avery[3]

PS: le voyage en avion est passé vite avec deux excellents films: 

  • Sholay/Ramesh Sippy un film culte de plus de 3 heures digne des plus grands westerns. 
  • Phoolan Devi/Shekhar Kapur qui raconte l’histoire vraie d’une intouchable qui se révolte. Devenue «La reine des bandits» elle se venge de ses violeurs et tue les hommes qui touchent aux femmes. Elle finit par se rendre et après avoir purgé sa peine, elle continue de défendre les droits des femmes au parlement avant d’être assassiné.

 

  1. Traduction québécoise de smartphone
  2. Voir l'extrait la lettre de Marius
  3. Voir l'extrait Le flea circus"

commentaires