Moins de 20 heures après avoir fait ma demande de visa de 3 mois, j'ai reçu le courriel d'approbation. Ceci n'a rien d'étonnant si l'on considère que l'Inde est la première place de l'informatique offshore avec 5 millions d'ingénieurs formés annuellement parlant souvent l'anglais au travail comme au quotidien, des salaires jusqu’à 70 % plus bas que ceux des États-Unis ou de l'Europe et une politique volontariste et continue depuis 1991 pour favoriser les investissements étrangers, créer les infrastructures et développer la connectivité sur le territoire. Et pourtant , l'Inde reste "plus étouffante des bureaucraties d’Asie"....
Il y a 50 ans, il fallait compter plusieurs journées de queues interminables au guichet des gares pour prendre connaissance des horaires de train et, si possible, prendre un billet. Je revois les ventilateurs qui tournent au plafond surplombant des rangées de bureaux où officient des employés tous masculins à l'époque, les piles de dossiers élimés sur leurs bureaux, le long des murs ou les étagères . Quel contraste avec les films américains de l'après guerre où les dactylos, toutes des femmes, étaient bien alignées devant leur machine à écrire dans des salles claires et dégagées.
Quand on montait dans la hiérarchie, les bureaux étaient plus vastes mais tout aussi décatis et avec le même ventilateur tournant mollement. A l'entrée un planton/peon (homme à tout faire) , parfois en uniforme dans les bâtiments officiels, était de faction devant la porte du bureau souvent ouverte. Il filtrait mollement les entrées mais accourait à chaque signe du fonctionnaire pour apporter une tasse de thé, des cigarettes ou éventuellement un dossier ou courrier. Malgré les apparences, ce monde vieillot faisait fonctionner une "administration publique avec une efficacité reconnue".
Mais il n'aurait pas pu exister sans tout un ensemble de services périphériques comme celui décrit dans le film "The Lunchbox" (vous pouvez le voir ici mais avec des sous-titres anglais). Il date de 2013 et pourtant il n'y a pas d'ordinateur sur les bureaux mais des stylos et des calculettes. Les lunchboxes (saquettes) mangées sur place sont préparés par les femmes à la maison et amenées depuis les lointaines banlieues à vélo, train et portées sur la tête. Un système auto-organisé (on ne dit plus autogéré), plus fort qu'Uber Eats, sans smartphones, notations ou plateformes mais aussi avec des auto-entrepreneurs. Un livreur assure que Harvard et même le roi d'Angleterre ont été épatés par son efficacité.
Sans oublier les conditions de vie misérables et la rigidité de la société, c'est aussi cette Inde là qui me fascine. Comme un vol d'étourneau...